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Ploc...
Plic...
Ploc...

La pluie... La pluie qui tombe représente les larmes qui, parfois, ne peuvent tomber, ou des larmes qui sont refoulées consciemment car, à nous-mêmes comme aux autres, bien souvent nous ne voulons pas montrer notre désespoir... Non, nous voulons montrer que nous allons bien. Toujours... Ne pas inquiéter. C'est important... Et puis, quand on ne sait pas comment expliquer ce qui nous arrive, quand on ne peut pas en parler, ou qu'on veut le chérir et le garder rien que pour nous, alors autant faire semblant... Autant ne pas inquiéter ses proches... Comment expliquer que ce qui nous préoccupe nous fait à la fois du mal et à la fois du bien ? Comment expliquer... quand on ne peut même pas s'expliquer à soi-même. Il y a des choses qui ne s'expliquent pas.

Il faisait nuit, Tonks observait les gouttes de pluie s'écraser sur la fenêtre de sa chambre... Elle était arrivée hier midi chez ses parents qui l'avait accueillie avec grand enthousiasme. Elle était ravie de les revoir ; cela faisait longtemps qu'elle ne les avait vus... Elle était emplie d'une grande joie. Mais à côté de cela...

... Pourquoi semblait-elle perdue ? Pourquoi avait-elle l'horrible sensation de s'être trainée jusqu'ici, comme si elle laissait une partie d'elle en arrière... Elle qui pensait que c'était une bonne idée de s'éloigner un temps, pourquoi avait-elle l'impression que même si son corps était ici, son coeur lui était ailleurs... Mais elle n'avait pas pleuré. Au contraire... De toutes les façons, pleurer ne servirait à rien et, elle n'avait pas la personne à qui ces larmes s'adresserait... D'ailleurs, elle ne voulait pas pleurer devant lui ; elle ne voulait plus. Elle ne voulait pas qu'il s'inculque toute la faute de ces pleurs. Il fallait qu'elle apprenne à se durcir, qu'elle oublie... Trop tard. Sur sa joue s'échappa une larme à la simple évocation du verbe oublier. Trop tard elle était tombée.

We have to forget...
We have to forget...
We have to forget... Sometimes.

We can't forget.

Ne pas oublier. En retenant ses larmes au fond d'elle, il lui semblait que celles-ci l'enfermaient dans une cage de glace qui se resserrait sur son coeur, qui l'enserrait de plus en plus en accroissant cette douleur comme s'il le faisait exprès car il ne voulait surtout pas qu'elle oublie... Alors pour l'empêcher d'oublier, il se faisait encore plus étroit autour de ce coeur, ce coeur qui contenaient tant d'émotions mélangées... Tant d'émotions... Qu'un seul être avait jamais créé en elle. Elle devait tout cela à un seul.

Comme pour illustrer ceci, la pluie sur les carreaux redoubla. Par un temps pareil, mieux ne valait pas être dehors, songea t-elle. Pourtant, malgré cette réflexion qu'elle se fit, elle leva une main et tremblante elle ouvrit la fenêtre en grand... Elle ne bougea pas de l'encadrement ; elle resta face à la pluie. Fort heureusement, celle-ci ne tombait pas face à la maison, mais de biais. S'approchant cependant du bord, elle se pencha dehors, sans prendre garde de se faire mouiller. Elle ferma les yeux, laissant les gouttes d'eau imbiber son visage. On aurait pu croire qu'elle pleurait mais elle ne pleurait pas. Seule la pluie illustrait au-dehors, ce qui se passait dedans... Car si extérieurement elle ne pleurait pas, il n'en était pas de même pour à l'intérieur d'elle-même.

A moins que la raison pour laquelle elle se mettait ainsi sous l'eau, sans prendre garde à se faire tremper et éventuellement à attraper froid, était bien plus profonde. A moins qu'elle n'espérait que cette pluie ne puisse la nettoyer de toute cette peine, de toute cette tristesse qui la contenait sans pouvoir émaner d'elle... Qu'elle s'en débarrasse...

Mais le voulait-elle réellement ?
Elle ne savait plus, elle ne savait plus rien de ce qui était bon, de ce qui était mieux...
Mais c'était un vain espoir d'essayer de se convaincre que la pluie pourrait l'effacer de sa mémoire, de son coeur... Elle l'espérait même sans vraiment l'espérer.

"Je ne PEUX pas !"

Adressé à la pluie, adressé à la nuit... Adressé à personne. Juste à elle.
 



L'aube était levée depuis plusieurs heures déjà lorsque Nymphadora venait de se réveiller, la tête appuyée contre le montant de la fenêtre. Elle n'avait pas dû s'en rendre compte. et la fenêtre était toujours ouverte, laissant passer un courant d'air très frais... Mais il ne pleuvait plus. Et oui, l'été était bel et bien bientôt fini et cela se sentait dans les airs.

Se levant, elle ferma d'un main le battant de la fenêtre alors qu'elle percevait du bas des bruits indiquant que ses parents étaient réveillés et qu'ils s'activaient d'ores et déjà. Tonks avait presque oublié ces habitudes. Elle se souvenait... Lorsqu'elle habitait encore ici, lorsque cette pièce était encore la sienne - même si elle l'était encore aujourd'hui elle n'y était qu'en de rares occasions -, en ce temps lorsqu'elle ne connaissait pas Rémus, ni personne de l'Ordre... A cette époque innocente, tous les matins elle sortait de bonne heure et allait se promener par les champs. Elle aimait bien...

Elle aimait beaucoup admirer et assister aux dernières lueurs de la nuit avant que le jour ne se lève. Elle aimait écouter les premiers chants des oiseaux, elle se sentait privilégiée que la Nature lui offre tout ceci rien que pour elle. Souvent elle tombait sur des lapins... Elle s'amusait à courir après eux, pour jouer, lorsqu'elle les voyait passer devant elle... Lorsqu'elle avait encore l'innocence d'une enfant de quinze ans, qu'elle pouvait s'amuser de tout et de rien, et qu'elle pouvait profiter assez bien de tout ce dans quoi elle avait grandi. Elle revenait à la maison, le feu aux joues et alors, elle s'asseyait à la table de la cuisine où sa mère lui servait son petit déjeuner.

Aujourd'hui, elle aimerait bien ne serait-ce que quelques heures, retrouver tout ceci...

Du bacon, des oeufs, du pain grillé, du thé... Et tout ce qu'elle adorait, tout ce que comportait une vie simple, sans difficultés... La vie simple et sans artifices d'une enfant. Son père qui lisait le journal puis, qui allait à son travail. Sa mère préparant déjà la cuisine après avoir été nourrir les quelques poules qu'ils possédaient ainsi que les deux ou trois chevaux. Sans compter sur les chèvres qui leur donnaient de temps en temps du bon lait avec lequel ils faisaient du fromage... D'ailleurs, sa mère tenait toujours sa fille loin du pot au lait, de crainte qu'elle ne le renverse ... Chose qu'elle avait déjà fait, lorsqu'elle avait cinq ans. Depuis, elle la surveillait. Elle n'allait plus non plus chercher les oeufs ; sinon on pouvait dire avec certitude qu'avant même d'arriver à la cuisine il y aurait une omelette de faite. Un léger sourire se dessina sur son visage à ces pensées. Un sourire qui s'éteignit bien vite...

C'était avant qu'elle connaisse Rémus. C'était sa vie d'avant... Pourtant, alors qu'elle emplissait ses poumons de cet air frais qu'elle avait maintes fois respiré ces dernières années, elle ne regrettait pas cette vie. Pour en commencer une nouvelle, il fallait parfois laisser quelques-unes des choses les plus agréables derrière soi. Ce n'était pas pour autant qu'on les regrettait. On en chérissait simplement le souvenir.

Levant le visage vers le ciel, vers cette étendue bleue, pour le moment, seulement parsemée de quelques cumulus, Tonks recueilli sur son visage la lumière du soleil. Un léger vent qui foulait les herbes hautes dans lesquelles elle marchait venait s'infiltrer dans ses cheveux qu'elle n'avait pas attaché : Descendre au petit matin dans ce champ, et marcher, les cheveux au vent... Tout allait de pair. Elle n'aimait pas attacher ses cheveux de toutes les façons, surtout en cette occasion ; elle voulait sentir le vent s'engouffrer dans ses cheveux, glisser sur sa peau... Car si on la considérait bien, elle n'était même pas habillée... Enfin, on s'entend. Disons qu'elle portait encore sa chemise de nuit de toile fine. Elle était habillée le plus simplement du monde en d'autres termes ; chez ses parents il n'y avait pas lieu de s'habiller comme en ville. Elle était... Tonks. Elle n'avait cependant pas froid. Il faisait bon au contraire.

Lorsqu'elle se sentit revigorée entièrement de sa nuit à avoir pleurer, de sa nuit à avoir dormi sur le rebord de sa fenêtre, elle décida de rentrer. C'est à ce moment qu'un éternuement vint rompre ce silence automnal. Manquerait plus qu'elle se soit enrhumée tiens... Tout bien réfléchi, elle s'en fichait en fait. Rien d'autre ne pourrait lui enlever le plaisir d'une matinée comme celle-là, bien qu'elle n'aurait toutefois pas dû passer sa tête par la fenêtre alors qu'il pleuvait...

Pas d'autres choses ? Ce n'était pas totalement exact... Car il existait évidemment une chose qui lui aurait fait beaucoup plus plaisir. Mais ce n'était ni le moment ni le temps d'en parler. Ni même d'y penser. Après tout, elle était revenue ici pour ne plus rien penser de tout ceci. Elle était venue prendre des vacances, se reposer... Mais le coeur ne se reposait jamais, lui.

Sur ces réflexions et les joues rosies par le vent automnal, elle rentra lentement vers chez elle où le petit-déjeuner l'attendait certainement... Imaginant le thé fumant dans sa tasse et les quelques tartines et la confiture de fruits rouges, la jeune femme sentit son pas se presser légèrement... Très légèrement.

***


 

Les journées se passaient tranquillement. A la campagne, ou à la ville, le rythme est bien loin d'être le même et si l'on désirait quelques vacances, mieux valait se rendre dans un joli coin de campagne plutôt que dans une grande ville qui, sous prétexte qu'on était en vacances, ne ralentirait certes pas son rythme journalier. C'était, du moins, ce que pensait Tonks. Les journées se passaient donc très calmement. La jeune femme en profitait pour faire de longues promenades par-delà champs et bois... En apparence, elle était calme. En apparence, seulement. Car, à la vérité, son esprit avait du mal à trouver le repos nécessaire. Pas même la nuit. Bien qu'elle essayait de ne penser à rien, ses pensées ne cessaient de se chevaucher dans son esprit et l'emportaient loin de là, la faisant paraître plus distraite qu'elle ne le voulait. Sa mère s'en rendit compte dès le deuxième jour de son arrivée... même si pour rien au monde, elle n'aurait été lui demander ce qu'il y avait ; mais étant donné qu'elle avait elle aussi été jeune et qu'elle avait sans doute connu tel état d'âme, il ne lui fallut pas beaucoup de temps pour qu'elle comprenne qu'un jeune homme en était la cause...

Pourtant, Tonks n'avait rien dit qui eut pu attiser la curiosité de sa mère... Ce n'était guère utile ; sa mère semblait en être convaincue. Dans les jours qui suivirent, la jeune métamorphomage passa le plus clair de son temps dehors. Il fallait bien profiter des quelques journées de beau temps, n'est-ce pas, avant que l'automne s'installe véritablement ? Au fil de ces excursions dehors, elle reprenait à la fois des couleurs et revenait très souvent avec gaité à la maison. Pourtant, il y avait encore quelque chose, dans son attitude, qui faisait qu'elle n'était pas elle-même... Qu'elle ne l'était plus vraiment. Trop de choses étaient venus perturber son quotidien, trop de choses se passaient en elle, des choses dont son coeur était épris et qu'il ne pouvait oublier...

Loin de Londres, elle avait juste l'impression que tout cela s'endormaient. Sans pour autant s'effacer, s'évanouir, disparaître... mourir. Par Merlin, loin de là, et jamais de la vie ! Comment demander à quelque chose de mourir alors que cela vous donnait le goût et l'énergie de vivre ? C'était s'ordonner de mourir soi-même... C'était se condamner. Qui plus est, depuis toute enfant, elle était incapable de ne ressentir qu'à moitié... Or, si tout ce qu'elle ressentait venait à s'éteindre comme ça, aussi facilement que l'on comptait jusqu'à trois, Tonks s'en voudrait tellement que ressentir lui serait dorénavant comme la plus terrible des tortures... et elle culpabiliserait certainement de ce que ses sentiments qu'elle avait clamé comme sincères et immuables n'étaient qu'en fait qu'une simple illusion, qu'un fantôme décharné de ce qu'elle aurait pu ressentir ; car lorsque des sentiments venaient à s'effacer avec autant de facilité, alors on pouvait se demander la part de sincérité et de profondeur qui pouvait leur être conféré.

Mais du plus profond de nous-mêmes, tout ça on pouvait le sentir. Le sentir en tous moments, en tous lieux, même en demeurant à distance de l'être à qui l'on devait chaque battement de notre coeur. La distance n'était rien en comparaison de ces sentiments nés. Rien... Mais si la distance n'était pas un obstacle, voilà que la réalité de la vie nous rattrapait et voulait à tous prix ajouter quelques obstacles qui venaient se forger devant nous, obstruant notre horizon et assombrissant encore un peu la vision clair que nous avions de ce qui était pourtant limpide pour nous-mêmes.

Cela pourrait pourtant être si simple... Et c'était alors si compliqué.

Durant ces promenades, Tonks ne cessaient d'être plongée dans ce genre de réflexions, aussi obscures les unes que les autres... Alors vous comprenez pourquoi, même si en apparence elle paraissait paisible, au fond d'elle elle l'était beaucoup moins. Le mot "impossible" semblait se graver en elle comme à l'encre indélébile et s'appesantir davantage sur elle-même. Ce mot semblait même venir s'afficher partout autour d'elle, sur tout ce que son regard accrochait lors de ces promenades... Chaque arbre, chaque feuillage, chaque oiseau, chaque nuage... Tout semblait réfléchir la plus infime partie de ses sentiments, tout semblait tourner autour deux et lui procurer alors cette quiétude de l'âme qu'elle ne pouvait sentir avec personne d'autres qu'auprès de Rémus... Tout cela ne pouvait être véritablement expliqué. Tout paraissait respirer de sa présence, alors qu'il n'y avait sans nul doute jamais mis les pieds, alors qu'il n'avait jamais foulé ce sol... Tout semblait se rattacher à ses sentiments, ou alors ces derniers se déversaient-ils dans cette nature si parfaite, si paisible, comme s'ils communiaient avec tout ce qui les entouraient ? Voulait-on ainsi l'en décharger ? Voulait-on de cette manière lui faire oublier ?

Devenait-elle folle ? Il faut cesser cela ! A l'origine, elle était venue pour... Pour... Pour quoi déjà ? Ah oui, pour se reposer ! Comment voulez-vous qu'elle se puisse se reposer si elle pensait toujours à lui... Mais justement, c'était ça le dilemme. Celui-là même puisque sa seule pensée lui suffisait à recouvrir cette étrange quiétude, ce calme presque irréel, cette tranquillité de l'âme qu'elle ne ressentait jamais avec personne d'autres... En sa seule présence, à la fois son esprit et son coeur était heureux de se reposer, et constituait en soi tout ce dont elle avait besoin, tout ce qui était devenu en l'espace de quelques semaines sa véritable raison de vivre. Alors pourquoi s'obliger à oublier, pourquoi ne pas y penser ? D'où le dilemme.

C'était mal. C'était mal et elle devait oublier, chasser tout cela de ses pensées, essayer d'oublier ! Elle devait s'en convaincre, mais elle ne le pouvait pas. Ce n'était pas... Bien, comme il n'avait eu de cesse de lui répéter, mais voilà son coeur n'était pas de cet avis ; et encore moins son esprit qui s'était rallié à l'opinion de son disciple, le coeur. Alors, comment se convaincre lorsque tout en vous était persuadé que ce n'était pas mal ? C'était ça, le dilemme. Elle devait barricader son coeur d'un grand panneau "Interdit" devant l'image de Rémus. Elle s'imaginait tenter de le faire mais, au moment où elle allait rechercher ce panneau, voilà qu'il était enfermé à double tour et elle n'en trouvait pas la clé. Elle cédait alors. Elle ne cherchait pas à forcer le passage... Car au fond, elle ne voulait pas trouver la clé, ni aucune barrières qui eut pu venir se placer entre eux deux. Le mot "interdit" ne parvenait à s'accrocher à son esprit. Elle ne voulait pas. La volonté lui manquait.

Tonks avait l'impression d'être dans une impasse et d'essayer toujours de trouver un passage par lequel s'engouffrer... sans avoir à faire demi tour. Devant cette impasse s'était trouvé un panneau "Passage interdit", mais elle ne l'avait pas vu, volontairement ou involontairement... Et maintenant, elle essayait de trouver une solution, mais SANS à avoir à revenir sur ses pas... Le casse-tête, car évidemment si une rue se nomme "impasse", c'était qu'il n'y avait aucun autre passage que celui de faire demi-tour.

Ses balades solitaires étaient toutefois reposantes et elle revenait le soir chez ses parents, le teint ravivé et d'humeur joyeuse bien que l'esprit ailleurs, alors que des pensées maussades n'avaient cessé de traverser son esprit de toute la journée.

Balades solitaires, jusqu'au jour où...

 
***

Le soir même, elle entreprit d'écrire tout ce qu'elle avait sur le coeur sur un bout de parchemin déniché dans un coin de sa chambre. Plus dans l'espoir de se libérer de tout cela que pour le lui envoyer... Quoique, pourquoi pas ? Il n'y avait quelquefois pas meilleurs moyens de s'exprimer que de passer par les lettres, ou des poèmes... Peut-être que tout viendrait s'étaler plus facilement sur le papier ? Peut-être que tout se déverserait plus facilement alors qu'elle était seule, alors qu'elle savait ne pas avoir son propre regard sur elle, alors qu'elle se sentait envahie de tous ses moyens... Car, si son regard n'était pas porteur de jugement, c'était même pire que s'il l'était puisque si loin de ne pas y percevoir la même lueur dans son regard que dans le sien, elle ne comprenait pas alors pourquoi ne pas laisser tout simplement libre court à des sentiments les plus nobles et naturels qu'il puisse exister. Elle l'aimait. De toute évidence, il était loin de lui être aussi indifférente. Pourquoi cela ne pouvait-il être alors simple ? Pourquoi sa condition venait forcément s'opposer à cela ?? Peut-être que si elle avait vu une totale  indifférence chez lui, alors cela lui ferait moins mal ? Sur le coup, cela aurait été plus terrible certes, mais après... Elle s'y serait faite, à ce rejet direct et froid. Mais là...

Elle ne comprenait pas pourquoi tout cela était impossible. Elle ne voulait pas oublier la place qu'il avait pris soudain dans son coeur, tout simplement car il lui plaisait qu'une telle place lui fut accordé, lui qui avait tant souffert tout au long de sa vie, lui qui avait pu compter tous ses amis sur les doigts d'une seule main... Ses vrais amis. Elle regrettait alors qu'il n'y ait qu'une seule alternative, et que cette alternative incluait simplement le fait d'oublier tout ça. Au titre de n'importe qui, et sinon plus que certaines personnes, il méritait ces sentiments. S'en détacher lui était impossible... C'était comme lui enlever alors ce qu'il était en droit d'avoir de plein droit ! Si ces sentiments s'étaient si facilement liés en elle, ils ne pouvaient que difficilement reprendre le chemin du retour. Oublier... Ce mot seul lui créait un tel gouffre, une telle déchirure au fond d'elle...

Malgré tout ce qu'il pouvait dire, tout ce qu'il pouvait penser, ces sentiments lui faisaient honneurs et lui allaient de droit, comme envers n'importe qui d'autres. Et même davantage... Pourquoi la forcer à oublier ? Au fond d'elle, elle savait que ce n'était pas la solution ! Pourquoi lui enlever ce qu'il pouvait lui rester, ce dont il était en mesure de réclamer ? N'avait-il pas suffisamment  perdu ainsi ? Elle ne voulait alors pas oublier, même si elle le pouvait.

Installée à son bureau, tout ce qui avait parsemé ses pensées tout au long de la journée fut retranscrit, de la plus importante à la plus infime réflexion qui eut put parcourir son esprit... Elle laissa son esprit dicter à sa plume, sans barrières ni rien. Elle fit même allusion au passage interdit, à l'impasse... Devant laquelle elle se trouvait. Tout ce qu'elle avait pensé lors de l'après-midi se trouva retranscrit. Elle ne versa pas une larme, comme si déjà il y en avait trop de tombées et qu'elle n'en avait plus aucunes. Ou que ses réserves ne s'étaient pas recomposées. Elle ne versa pas une larme, resta concentrée sur ce qu'elle écrivait, n'obéissant qu'à une seule règle, une seule loi ; celle du coeur, laissant celui-ci guider sa plume... Celle d'écouter la voix profonde au fond d'elle qui lui disait la vérité, toute la vérité. Elle était guidée par la seule volonté de ne rien se cacher. Rien du tout. Elle écrivait pour elle-même. Il ne lirait sans nul doute jamais cette lettre et elle en était heureuse... Car elle savait que cela n'aurait pas arrangé leurs affaires, que cela n'arrangerait pas à ce que tout redevint comme... comme avant. Que ce mot avait du mal à sortir. Que ce mot avait du mal à être penser même, comme si la simple pensée de revenir en arrière lui était insupportable. Mais il le faudra bien...

Lorsqu'elle laissa tomber sa plume, la nuit était à présent tombée et sans se relire, comme si elle se refusait d'y ajouter la moindre retouche, comme si elle ne voulait pas être tentée d'effacer quelques trucs, ou de modifier des détails,... Non ! Rien ne devait être modifié ; elle avait écrit tout ce qui lui pesait sur le coeur... Chacun des mots lui sortaient du plus profond d'elle-même ; chacun des mots respiraient et était issue de l'essence même de son être... Chacun portait une partie d'elle ; une partie qu'elle devait oublier... Mais qu'elle ne voulait pas. Une partie que... Était-ce vraiment bien de faire cela ? De simplement oublier ?

Elle plia la lettre en deux et la cacheta à l'aide de la cire de la bougie avec laquelle elle s'éclairait et qui arrivait d'ailleurs presque à sa fin. Aucune importance puisqu'elle avait fini d'écrire et qu'elle devrait dormir... Dormir... Elle commençait certes à être fatiguée mais elle n'avait pas envie de dormir. Presque machinalement, d'une écriture fine et arrondie, elle traça sur le papier et avec un soin méticuleux les mots "Rémus Lupin".

Rémus Lupin... Mots qu'elle observa un long moment avec émotion avant de fermer les yeux et de se lever de la table où elle se trouvait... Laissant là sa lettre que jamais personne ne lirait, la jeune femme se coucha doucement entre les draps de son lit et demeura longtemps, très longtemps, à contempler le plafond, se demandant ce que pouvait bien faire Rémus de son côté, s'il dormait, et tant d'autres choses encore... Finalement, le sommeil s'empara d'elle jusqu'au lendemain matin.

Lorsqu'elle ouvrit les yeux, le soleil entrait à flots dans sa chambre. De toute évidence, la pièce ainsi baignée indiquait que cela faisait plusieurs heures qu'il faisait jour. Sa première pensée la ramena aussitôt à sa lettre et son premier mouvement fut de se lever et de se diriger vers la table où elle l'avait posée... Elle mit bien cinq bonnes minutes à se rendre compte qu'il n'y avait plus de lettre. Pourquoi ? Comment cela se faisait-il ??? Elle ne comprit pas ; elle l'avait mise là la veille au soir, n'est-ce pas ? Elle regarda sous la table. Rien. Elle fouilla la pièce de fond en comble, mais ne trouva rien qui put ressembler à une lettre... Alors elle commença à paniquer... Quelqu'un l'avait-il pris ? Elle sentit ses joues rougir rien qu'à l'idée que quelqu'un d'extérieur eut put entrer dans sa chambre, la trouver et la lire... Elle n'oserait même plus le regarder dans les yeux assurément ! Confuse, elle essaya de se convaincre que la solution était toute autre.

Elle descendit ce matin-là dans un état d'extrême confusion et prit place à la table de la cuisine, plongée dans ses appréhensions. C'est alors que sa mère arrivant et lui servant un thé bien chaud, lui dit d'un ton joyeux... avec le ton de quelqu'un venant de faire une bonne action :

- Nymphadora ma chérie, j'ai été poster pour toi ta lettre, ce matin. Je l'ai trouvée sur ton bureau en venant voir si tu dormais encore, et la voyant sur le bureau en évidence, j'ai cru bon l'envoyer dès à présent étant donné que j'avais quelques courses à faire ce matin à la ville. Elle arrivera plus tôt comme ça !

... Elle arrivera... Plus tôt...
Elle ne devait pas même partir !

- Tu... as fais quoi ? Lui demanda Tonks en parvenant à peine à déglutir ces quelques mots...
- J'ai été posté ta lettre... Celle qui était dans ta chambre. Cette lettre n'était pas à poster ??

Pâlissant soudainement dès les premiers mots de sa mère, la jeune Auror n'avait même pas réagi à l'écoute de son prénom en entier - contrairement à son habitude -. Elle demeura interdite un instant, incertaine si elle avait bien entendu, ou pas... Finalement, sa mère lui répéta ses paroles, croyant qu'elle ne l'avait pas comprise. Dans la plus extrême confusion et imaginant déjà la lettre dans son trajet jusqu'à Londres, elle sentit son coeur se mettre à battre frénétiquement. Non, ce n'était pas possible ? Elle avait dû mal comprendre n'est-ce pas ? La lettre, celle qu'elle avait écrite la veille et qui ne devait sûrement pas être postée ! - était en ce moment même en chemin pour Londres ???? A vol d'oiseau qui plus est, cela mettrait... Trois heures ? Quatre heures à arriver ?... Dans quatre heures, un peu plus, Rémus la lirait ???

-... Non, je... ça n'a aucune importance, répondit-elle enfin alors que sa mère l'observait avec inquiétude...

Tonks balbutia un "Merci, maman" en tentant de ne pas laisser paraître le trouble qui l'animait toute entière. Elle se répétait dans sa tête tout ce qu'elle avait pu écrire la veille, mais elle cessa bien vite cette activité car cela la mettait bien plus mal à l'aise qu'elle ne l'était déjà. Elle ne put finir de petit-déjeuner ce matin-là et prétexta qu'elle avait trop mangé la veille pour se lever aussitôt de table et retourner dans sa chambre où elle écrivit la lettre suivante...

"Rémus,

Tu as déjà dû recevoir une lettre... Une lettre qui ne t'était pas destinée. Enfin, si, ça l'était, mais tu n'étais pas censé la recevoir... Enfin, elle ne devait même pas être envoyée ! J'ai appris ce matin même que ma mère l'avait postée, l'ayant vu trainer sur mon bureau. Je t'écris dans la plus extrême confusion, craignant que cela ne t'effraie encore plus et que tu crois que tout va toujours au plus mal. C'est faux. J'ai écrit cela dans un moment d'égarement où j'ai voulu écrire tout ce que j'avais sur le coeur, dans l'espoir seul de pouvoir mieux oublier après ! Crois-moi je t'en supplie, je ne veux pas tout gâcher à cause encore d'une de mes maladresses ! Je vais très bien, beaucoup mieux en tous cas. L'air frais de la campagne est tellement revigorant, et je suis certaine que tu aimerais également ! Tu devrais venir de temps en temps d'ailleurs ! Tu verrais par toi-même et il y a tant de coins magnifiques qui méritent à être connus ! J'ignore pourquoi je n'y suis pas revenue plus tôt. Je te les ferai tous visiter avec grand plaisir si un jour tu voulais venir dans le coin ! Mes parents seraient en plus enchantés de faire ta connaissance. Evidemment, je parle sans aucune arrière pensées crois moi ! Ton amitié me tient trop à coeur pour que je ne gâche une fois de plus en cédant et en te disant des choses que nous savons tous deux... impossibles. S'il te plait, ne tient pas rigueur de ma lettre précédente ! Oublie la... Tout comme tu as dit il y a quelques jours que le mieux était d'oublier tout ce qui s'était passé. Pour réussir quelque chose, il faut vouloir y croire, non ? Alors voilà...

En espérant que tout se passe bien là-bas à Londres. Transmets mes amitiés à tout l'Ordre, et si tu comptes venir faire un tour quelques jours ici, tu seras le bienvenue !

Bien à toi,
Tonks".


Cette lettre allait suffire, elle l'espérait en tous cas. Dans le cas contraire... Dans quelle histoire se serait-elle mise encore ? Elle n'avait pas voulu aggraver la situation ! Cette lettre ne devait pas être lue, par personne d'autre qu'elle-même faint . Elle espérait que sa deuxième lettre allait convaincre Rémus que tout allait bien. Elle espérait qu'il allait percevoir le ton plutôt optimiste de la majorité de la lettre, ainsi que de ses regrets quant au fait que la première lettre n'aurait jamais dû lui être adressée, que c'était... Une erreur. En songeant cela, une larme vint maculer le papier, échappant à sa volonté ; une larme qui venait tout contredire le ton optimiste qu'elle avait voulu donner à cette seconde lettre... D'un revers de la main, elle l'essuya, espérant que cela ne se verrait pas ou qu'il n'y ferait pas attention... Attentive, elle l'observa attentivement. Non... Si on n'y regardait pas de trop près, cela passerait inaperçu.

Mais pourquoi, pourquoi l'avait-elle laissée en vue aussi ???? D'accord, elle ne pouvait pas savoir que sa mère entrerait dans sa chambre et la verrait... Et qu'elle croirait bon de l'envoyer. Mais quand même, Tonks ne pouvait s'empêcher de s'en vouloir de l'avoir laissée en vue.

Elle partit ensuite s'habiller puis, au plus tôt, se rendit à la poste de la ville sorcière la plus proche, - à environ 35 kilomètres - mais en transplanant cela allait plutôt vite. A peine une heure après l'avoir écrite, la lettre partait donc pour Londres, sur les traces de la première.

Lorsqu'elle revint à la maison enfin, elle s'en fut pour son habituelle promenade dans les alentours, à pieds. C'est là, ce jour-là, qu'elle fit cette fameuse rencontre... Rencontre qui mit fin à la solitude de ses promenades. Mais ceci sera conté dans un autre chapitre ...


 


 

« Ré… Rémus… »
Nuit. Sommeil agité. Frissons glacés me traversant entièrement.
Il faisait froid. Tout ce que je savais c’était qu’il faisait froid. Et noir. J’essayais de me réchauffer tant bien que mal, mais n’y parvenais pas réellement.
« Qu’y a-t-il ? » Une voix.
Cette voix. Je tendais tous mes sens vers elle, m’exhortais à me concentrer seulement dessus. Mais que dire ? Que dire… Sinon la vérité…
« Non, rien… En fait, j’avais juste… envie… De te parler. C’est tout ». Ou disons, presque la vérité. J’avais envie de l’entendre, c’était vrai, de lui parler aussi. Qu’il parle, qu’il parle, n’importe quoi. Quant à la froideur qui régnait ? Inutile de le dire, c’était évident. Et visible car l’on pouvait sentir les frissons qui me parcouraient.
« Tu trembles… ».
Il sourit. Essaya de sourire du moins… Vous me direz, sourire alors qu’on est transis de froid n’est pas très logique. Mais je rêvais, non ? Oui, je rêvais.
Un sourire qui chaque fois me transportait dans un monde au-delà de tout. Un sourire que j’emportais partout. Tant de bienveillance, de douceur, et cependant tant de réserve ne pouvait être la propriété d’un seul et même homme. C’était impossible. Pourtant, j’en avais l’exemple même face à moi et ma main qu’il tenait dans la sienne qu’il frottait de manière à essayer de réchauffer, et son autre qui se posait sur ma joue, écartait une mèche de mes cheveux, la repoussait derrière mon oreille. Mon cœur battant dans ma poitrine aussi fort que jamais, je m’abandonnais…Me blottissant contre lui, j’essayais d’oublier la température extérieure. J’étais en sécurité là, rien ne pouvait m’atteindre. Je le savais… Je… Nous le savions. Tout ce qui importait.
« Le jour viendra vite… On nous retrouvera alors. N’aie crainte »
Je frissonnais. Je hochais doucement la tête. Une seconde après, ou une demie je ne sais pas, - je ne comptais plus le temps – son visage se rapprocha du mien. Je sentis son souffle sur mon visage puis ses lèvres sur les miennes…Qu’y a-t-il de mal à cela ? Juste deux êtres qui ne cherchait réciproquement qu’à chercher un peu de réconfort et de chaleur dans les bras l’un de l’autre.



Au beau milieu de la nuit, Tonks se réveilla. Rémus. Il était là. Dans son rêve. Si près… avant qu’elle ne se réveille. Un instant égarée, la jeune femme jeta des coups d’oeils alentours pour constater qu’elle était bien seule. D’un seul coup, un frisson la saisie et elle ferma les yeux de nouveau. Ses draps lui semblaient soudain très froids. A moins que cela ne provienne de son for intérieur ? Elle garda les yeux fermés, tenta de se rendormir.

Les deux jours suivants, voire les trois jours suivants, la laissèrent dans un état de confusion telle qu’elle devint encore plus maladroite que jamais, et surtout la tête ailleurs. Si tel était possible et d’une manière telle que sa mère en vint à se demander si elle n’était pas malade. Qui plus est, sa fille lui semblait plus pâle qu’à l’ordinaire alors que le bon air de la campagne lui redonnait habituellement des couleurs. A la vérité, Tonks ne parvenait pas à ne pas penser une seule seconde à la première lettre qu’elle avait écrite ; elle pouvait en rougir à n’importe quel moment rien que d’y penser, et en pleurer à l’instant d’après, et en rigoler toute seule ensuite. Mais le sentiment qui primait était celui d’une angoisse telle que parfois elle en sentait la tête lui tourner. Elle ne craignait pas sa réaction, ce n’était pas cela ; elle craignait de l’inquiéter encore plus…

D’un côté, dans cette lettre, elle n’avait fait qu’évoqué que ce qu’elle avait tout au fond du cœur, il saurait alors que ses sentiments n’étaient pas seulement superficiels ou bien futiles, qu’ils n’étaient pas à prendre à la légère, qu’elle y accordait plus d’importance qu’il ne le pensait… Qu’ils étaient sincères en tous points, qu’il n’avait pas gagné une place dans son cœur qu’il perdrait d’ici peu, dans quelques jours. La constance de sentiments nobles y était témoignée. Mais, elle se souvenait encore de ses paroles, des paroles qui lui avaient lacéré le cœur… Celles qui lui disaient qu’elle ne devait se faire aucune illusion. Qu’il ne pourrait pas existé d’ « eux ». Ce mot, jamais, elle se refusait à le prononcer, même à le penser… Pourtant, elle ne parvenait à penser qu’il ne pourrait jamais exister quelque chose entre eux, c’est peut-être cet… infime espoir qui lui interdisait de tout simplement utiliser le mot « jamais ». Bien qu’il lui eut dit à plusieurs reprises que c’était impossible, elle ne pouvait que se souvenir du ton hésitant de sa voix, alors qu’il aurait dû être plus sévère que cela s’il n’éprouvait pas la moindre gène à exprimer ces propos. Cela avait pour effet sur elle de continuer à la faire espérer même si, de toute évidence, elle ferait mieux d’oublier tout ceci.

Mais comment oublier ? Elle ne le pouvait pas. Il lui semblait que trop de choses déjà s’étaient produites, tissées entre eux, pour qu’elle ait l’infime espoir de pouvoir oublier. Non, impossible. Elle ne pouvait pas tirer un trait sur ce qui s’était passé. Ils étaient tant… Emprunt de joie pour elle, rien qu’à se souvenir, qu’il était improbable de les oublier tout simplement. Si son seul désir était d’accourir à Londres, elle se l’interdisait cependant. Non. Au fond, elle cherchait peut-être à ce qu’il voit par lui-même si elle lui manquait ou pas un tant soit peu. Au fond, elle espérait qu’il soit aussi malheureux qu’elle… Elle s’en voulait de penser ainsi mais elle ne pouvait s’empêcher de l’espérer, même si au fond elle ne souhaitait que son bonheur car elle se doutait que toute sa vie jusqu’ici n’avait pas été heureuse. Mais, égoïstement peut-être, elle espérait qu’il soit aussi malheureux qu’elle en ce moment. Peut-être cela déclencherait-il quelque chose en lui ?

L'Amour était parfois bien égoïste... En voilà une nouvelle preuve.

Un déclic… Pouvait-elle l’espérer ? Dans ce simple but, elle s’interdisait de rentrer déjà, elle se forçait à prolonger son séjour chez ses parents. Envers et contre toutes ses pensées et les inclinations de son cœur qui se tournaient avec empressement vers Londres… A chaque heure de la journée, elle se demandait ce qu’ils faisaient tous au Quartier Général, ce que lui faisait, à quoi il pensait… Elle se surprenait parfois à vouloir entendre le son de sa voix, même lorsqu’il s’adressait à elle avec ce ton paternaliste qu’elle détestait tant et qu’elle lui reprochait souvent. Elle se surprenait à vouloir le voir apparaître à chaque coin de la maison, comme s’il était seulement possible qu’il fût là. Elle s’étonnait alors parfois de ne découvrir que son père, ou sa mère. Comment pouvait-elle s’être trompée ? Son imagination mêlée à ce que son cœur désirait voir ; ils étaient en train de se liguer contre elle ! Elle s’inquiétait même, souvent, à avoir l’impression de sentir encore l’étreinte de ses bras autour d’elle, de ses mains glissant dans son dos, et de ses lèvres sur les siennes. Avec une réalité inquiétante, il lui semblait encore en sentir leur saveur. Mais elle se promettait de ne pas être la première à s’avouer qu’il lui manquait. Non. Elle s’était suffisamment ouverte comme cela ; s’il ne le disait pas en premier, elle ne l’avouerait jamais.

Cependant, il y avait un détail à prendre en compte… C’était que, dès l’instant qu’il apparaissait, tout semblait différent et les décisions qu’elle avait bien pu prendre auparavant s’estompaient tout simplement. Comme si elles n’avaient jamais existées. Tiendrait-elle cette fois aussi ? Quoiqu’il en soit, elle s’imposait également une sorte d’épreuve. Si ses sentiments tenaient le temps de cette mise à distance forcée et prolongée, il faudrait alors qu’elle en assume, qu’il en assume les conséquence aussi, non pas qu’elle pensait que ses sentiments pouvaient décroître et disparaître ; ce test était davantage pour le lui prouver à lui qu’à elle-même puisqu’elle-même était persuadée que ça ne changerait rien. Si tel était le cas, elle reviendrait à la charge, convaincue de ce qui était bien pour elle, et intimement convaincue de ce qui était bien pour lui. Comment ça elle décidait pour lui ? N’importe quoi… Ce n’était pas du tout cela. Et puis, la preuve, même si sa raison ne voulait pas l’accepter, une autre partie de lui l’avait poussé à l’embrasser… Elle aimait à le croire : tout n’était pas perdu et ce seul espoir lui redonnait celui de réussir à retenir ses larmes.

A maintes reprises, elle secouait la tête, tentait d’échapper à ses rêves éveillés mais toujours ceux-ci la rattrapaient. Ce jour-là, elle devait faire la connaissance d’une personne qu’elle n’avait rencontré depuis de nombreuses années et qui allait lui permettre de tester cette fois avec plus d’importance l’intensité de ce qu’elle pouvait bien ressentir. Alors qu’elle descendait à la cuisine deux jours plus tard, elle entendit une voix étrangère à celles qu’elle entendait habituellement, en-dehors de celles de ses parents. En y entrant, elle vit sa mère debout devant la table qui parlait avec une autre personne – un jeune homme- qui était assis de façon à ce qu’il lui tourne le dos. Tout ce qu’elle put voir de lui fut qu’il avait des cheveux courts et bruns. Sa mère la vit en première et lorsqu’elle la salua, le jeune homme se tourna également et elle put alors reconnaître les traits d’un ancien camarade du village le plus proche avec qui elle avait été en cours à l’école primaire. De ce qu’elle se souvenait de lui, c’était son sourire toujours avenant, une tendance à parler beaucoup mais ayant l’esprit très ouvert sur beaucoup de sujets. Bien qu’à l’époque où ils se fréquentaient, ils étaient bien jeunes pour parler de sujets aussi inoffensifs que ceux dont des enfants évoquaient normalement. Le petit Tommy… Du moins, le grand Tommy à présent, se rectifia t-elle lorsqu’il se leva et qu’elle put constater qu’il la dépassait d’au moins vingt centimètres.

Cela faisait une éternité qu’ils ne s’étaient pas vus. Et il eurent beaucoup de choses à se raconter : ce qu’ils étaient devenus depuis, tout ce par quoi ils étaient passés ; ils se remémorèrent des anecdotes d’enfance. Mrs Tonks les laissa discuter à un moment, prétextant pleins de choses à faire et qu’elle ne voulait pas les déranger dans leurs retrouvailles plus qu’enjouées. Enjouées, à n’en pas doute, ça l’était pour lui. Il était très content de la retrouver, cela se voyait dans ses gestes, ses sourires, sur son visage. Il était sans doute l’un des seuls avec qui elle était heureuse de conserver le contact après toutes ces années à avoir joué ensembles à l’enfance mais aussi durant l’adolescence. Tom lui proposa alors d’aller faire un tour dehors ; chose qu’accepta Tonks immédiatement. S’il avait plu en début de matinée, le temps s’était à présent levé et l’air était bon.

Les deux jeunes gens se promenèrent alors pendant plus de deux heures dans la campagne. Ils plaisantèrent, rirent, discutèrent de tout et de rien, résumèrent ce qui s’était passé dans leur vie depuis qu’ils ne s’étaient vus. Tonks bien évidemment, esquiva certains sujets particulièrement épineux… Les sujets dont elle ne pouvait parler sans en ressentir un certain malaise. Rémus demeurait donc bien au fond de sa pensée, au fond de son cœur comme un secret jalousement gardé. Elle l’évoqua simplement dans les termes suivants et très brièvement, afin d’éviter qu’ils ne s’attardent sur ce côté de la discussion : un ami bon, généreux et dont le bien des autres passaient avant tout, une personne qui avait beaucoup souffert par le passé, qu’elle estimait énormément… Et dont sa compassion et son amitié lui était très importante. Elle n’en dit pas davantage mais, sans nul doute que son ami ne fut pas dupe de l’émotion qui brillait dans son regard… S’il s’en aperçut cependant, il n’en fit rien remarquer. Quoiqu’il en soit, il ne mit pas une seconde en cause la sincérité de ses propos. Il lui apprit qu’il n’avait, de son côté, personne à qui il accordait autant d’importance que Tonks en donnait à cet ami qu’elle estimait tant et sur ces paroles, ils reprirent le chemin du retour à pas lents.


L’un contre nous tenant chaud, nous protégeant du froid tant bien que mal, nous nous endormâmes. Je savais que rien ne me toucherait, que je ne pouvais pas être plus en sécurité que je ne l’étais, là. Je fermais les yeux.

~~~~~~


Halloween.
Trente fois qu’elle le répétait inlassablement dans son esprit. Trente fois… Elle ne parvenait à y mettre vraiment le sens voulu, habituel. Il ne signifiait plus vraiment quelque chose… Pour elle. Tout, en vérité, ne signifiait trop rien sans Rémus. On en revenait toujours là, certes, mais il fallait bien se l’avouer. Et si elle ne pouvait le dire devant lui, alors autant le dire lorsqu’elle était seule dans l’intimité de ses pensées. Elle commençait à penser que son séjour n’avait que trop duré, qu’il était temps de rentrer… Rémus était-il prêt ? En ce qui la concernait, elle ne serait jamais prête, que ce soit un jour de plus ou de moins, cela ne changerait rien. Mais s’il n’était pas prêt à la revoir, alors mieux valait qu’elle lui évite sa présence… Bien qu’elle savait qu’elle la rechercherait par instincts… Elle ne pouvait pas, c’était plus fort qu’elle. Elle avait essayé d’oublier, de se tromper, mais rien n’avait réellement de sens sans lui. Sa mère avait beau tenter, elle le voyait, de rapprocher Tom d’elle – c’en était devenu évident au fil des jours !- elle savait que cela ne le lui ferait pas oublier. Elle avait essayé, elle avait même espéré… Un peu. Ses attentions envers elle la touchait, elle aimait bien lui parler, mais c’était tout ; il n’avait pas… Le petit quelque chose qu’elle aimait chez le lycan, quoiqu’il en dise. Elle avait tenté de se détacher… Elle ne le pouvait pas.

Elle avait un peu peur. Comment leur première rencontre depuis ce fameux jour allait-il se passer ? Tonks faisait confiance à son instinct ; elle serait à l’aise, plus ou moins – du moins elle tenterait de cacher son trouble, elle ferait tout pour être normale ! Car elle tenait trop à lui, elle ferait tout pour le mettre à l'aise. Elle ne voulait assurément pas accroître la difficulté de la situation- il fallait donc qu’elle se ressaisisse, qu’elle fasse croire qu’elle allait au mieux, qu’elle était prête à passer l’éponge sur tout ce qui s'était passé entre eux. Ce baiser n'avait JAMAIS existé ! Elle devait s'en convaincre ! Il n'y avait rien eu, il fallait l'oublier… La voyant alors ainsi, aussi normale que possible, il serait alors plus rassuré, et peut-être pourraient-ils alors redevenir comme avant : de bons amis.

Bons amis… Pourquoi prononçait-elle ce nom avec si peu de conviction d’un seul coup ? Il fallait qu’elle se persuade. Elle semblait déterminée. Le problème qui demeurait était si elle tiendrait ses résolutions… lorsqu’il se tiendrait, là, devant elle…

Il était temps de rentrer.

[ A suivre ]

 
 
 



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